10/04/06

 


BLOCAGE DE LA REFORME DES TUTELLES :

UNE « BATAILLE DE SOUS » ENTRE L’ETAT ET LES DEPARTEMENTS.

 

Le ministre de la justice vient encore de le préciser au député UMP Gérard VOISIN (Saône et Loire) qui lui avait demandé de faire enfin voter la réforme des tutelles. Il déclare le 4 Avril 2004 : « Les conditions de financement et de compensation (du transfert de la sphère judiciaire, les tutelles, vers l’aide sociale, c’est à dire les départements) n’ont pas encore fait l’objet d’un accord global.» (4 avril 2004).

Autrement dit : des centaines de milliers de personnes ont été mises sous tutelles ou curatelles parce qu’elles ont des problèmes financiers et que les départements ne veulent pas ou ne peuvent pas les prendre en charge au titre de l’aide sociale.

D’où le blocage de la réforme. Une histoire de « bataille de sous ».

Le quotidien en ligne destiné aux élus locaux, « Maire-info » est plus précis (24 Mars 2006) :

Pour le ministre de la justice, « nombre de mesures de protection juridique (= tutelles et curatelles) sont prononcées à des fins d’accompagnement social indépendamment de toutes altérations des facultés mentales ».

Il s’agit donc de cesser de faire semblant de prendre ces personnes en difficulté financière (ex : surendettement) pour des handicapés mentaux et donc de les mettre sous tutelle. Au contraire, c’est des «systèmes d’aide et d’action sociale » qu’elles doivent relever, c’est à dire des départements.

Problème : Les conseils généraux, notamment ceux de gauche, « font valoir que, dans le cadre de la décentralisation, les compétences transférées par l’état ne sont déjà pas compensables à la hauteur nécessaire ».

Comment les départements peuvent-ils dans ces conditions financer l’aide aux centaines de milliers de personnes que la réforme fera sortir du système des tutelles et curatelles ?


Dans leur livre « la France des incapables », Linda BENDALI et Nathalie TOPALOV le confirment :

« La tutelle s’abattant sur les pauvres ne serait qu’une banale affaire de gros sous, la conséquence d’une sordide histoire budgétaire entre l’Etat qui finance les mesures judiciaires (= tutelles) et les département qui se chargent des dispositifs sociaux ». (p117)

Mmes BENDALI et TOPALOV enfoncent le clou :

« Ce détournement de procédure (= la mise sous tutelle de personnes en difficulté financière) arrange tout le monde.

L’aide sociale coûte cher à la collectivité. Contrairement à la tutelle.

D’autant que le dossier peut être confié à un gérant de tutelle qui se rémunère directement avec les revenus de son protégé. Une fois le jugement prononcé, l’Etat n’a alors rien à débourser.»
Résultat (p116), puisque « les caisses des conseils généraux sont vides,…les assistants sociaux reçoivent généralement la consigne de saisir les tribunaux » pour que le problème soit transféré au système des tutelles !

Et voilà comment (p115), « les offices HLM demandent l’ouverture de mesure (de tutelle) pour se prémunir contre les locataires mauvais payeurs. Ces bailleurs publics n’hésitent pas a faire du chantage aux plus démunis : "aucun bail ne sera signé, menacent-ils, sans mise sous tutelle" ».

Gérard Langlois, tuteur depuis vingt-cinq ans, confirme (p117) : « Il y a quinze ans, nous avions davantage accès aux aides, notamment de la sécurité sociale ou du conseil général. Aujourd’hui, on balance une allocation handicapée ou un RMI, on y ajoute une tutelle… »

Oui, c’est vraiment «UNE BATAILLE DE GROS SOUS » !