09/02/07

 

 


KAFKA ET LE "BUREAU DU COGNAC"

 



Notre ami Jean Deret, viticulteur en Charente, vient de saisir la "Commission des Pétitions" du Parlement Européen.

Motif: il a été ruiné parce qu'il a dû payer plus de 25 000 euros de 1975 à 1980 au "Bureau National Interprofessionnel du Cognac" ( "BNIC" pour les initiés) au titre des "droits supplémentaires de commercialisation et de distillation".

Pour payer, il avait dû prendre un crédit, et c'est la charge de l'emprunt qui l'a fait plonger.

OR LES QUOTAS DE PRODUCTION DU COGNAC QUI MOTIVAIENT LA PERCEPTION DE CES "DROITS" ONT ÉTÉ DÉCLARÉS CONTRAIRES AU TRAITÉ DE ROME EN 1987.

Jean Deret réclame donc le remboursement des droits indûment perçus, et des frais financiers qui en ont résulté.

Logique.

Sauf que nous sommes en France.

Cela fait en effet DIX-SEPT ANS qu'il réclame. En vain.

Lisez plutôt:

-il s'adresse en 1989 au BNIC. Refus.

-il porte l'affaire devant le Tribunal administratif. Il gagne,

-le BNIC fait appel devant la Cour administrative d'Appel...et gagne! C'est en effet devant un tribunal civil que l'affaire aurait dû être portée (contrairement à ce que pensait pourtant le Tribunal administratif lui-même).

-nous sommes déjà en 1998-délais de la justice française obligent. Jean Deret part donc devant le TGI, Tribunal de grande instance, en janvier 1999. Plus de neuf ans après la première démarche.

-mais le BNIC, qui a pourtant gagné en Cour administrative d'Appel, saisit le Conseil d'Etat! Contre lui-même, en quelque sorte. Le recours sera évidemment rejeté, en mars 2002.

-ça fait trois ans de perdus, ou de gagnés, ça dépend de quel point de vue on se place.Le TGI a en effet décidé d'attendre la décision du Conseil d'Etat pour examiner l'affaire.

- il peut enfin regarder ce qui se passe. Encore un an plus tard, en juillet 2003, il déclare que M. Deret est en droit de réclamer le remboursement des "droits" versés au BNIC. Sauf qu'il y a une prescription de quatre ans! Jean Deret a raison, mais il est quand même débouté.

-saisie par notre ami viticulteur, la Cour d'Appel de Bordeaux estime que la prescription de quatre ans, qui a motivé le rejet de la demande de J. Deret par le TGI, ne pouvait pas être invoquée par le BNIC, mais seulement par l'Etat, qui ne l'a pas fait. Jean Deret est quand même débouté.

RÉSUMONS:

1) Jean Deret a payé à tort une taxe, un "droit", contraire au traité de Rome.

2) Tout le monde reconnaît qu'on n'aurait jamais dû lui réclamer ce "droit".

3) Malgré cela, au bout de dix-sept ans de démarches et de procédures, il ne peut pas se faire rembourser.
Conclusion: décidément, la France n'est pas le pays de Descartes. C'est la véritable patrie de Kafka.