Article de l'Express.fr daté du mardi 7 novembre 2006
Grève SNCF
"Faire de l'usager un enjeu électoral"

propos recueillis par Isabelle Tallec


La Fédération des usagers des transports et des services publics (FUTSP) compte présenter prochainement à la direction de la SNCF une "plate-forme revendicative des usagers". Son président, Jean-Claude Delarue, réclame en leur nom une négociation visant à refaire de la SNCF un "véritable service public"


Comprenez-vous les motivations des syndicats grévistes?

Nous essayons d’être équilibrés dans notre approche. Nous sommes bien évidemment contre la grève comme mode d’action. Il y a en France, contrairement à des pays comme l’Allemagne, trop de syndicats qui font de la surenchère. C’est une exception française dont on se passerait bien. Mais nous constatons aussi que la "gréviculture", ce recours excessif à la grève, a notablement baissé ces dernières années. Cette grève, elle n’est pas seulement de la responsabilité des syndicats, elle est aussi due à une défaillance du dialogue social à la SNCF. Il y a eu un progrès par rapport au passé: les syndicats font des efforts de communication et d’information, à destination des usagers. Il y a huit jours, la CGT nous a envoyé un courrier détaillant ses revendications. Nous n’avons pas bénéficié de la même démarche de la part de la SNCF!

Quelles sont vos propres revendications?

Ce que nous voulons montrer, c’est que les problèmes vécus par les usagers ne s’arrêtent pas le jour où il n’y a plus grève. Le conflit actuel risque de faire oublier que la SNCF n’est plus un service public digne de ce nom. Elle est devenue une "entreprise à deux vitesses" qui privilégie le TGV, Thalys et Eurostar, les trains "de prestige", aux dépens des trains de banlieue et des trains régionaux, qui ne reçoivent que la portion congrue. La tarification des grandes lignes est devenue une véritable "roulette russe", un "maquis tarifaire" avec des prix incroyablement différents pour le même train selon le mode d’achat. Les achats sur Internet fonctionnent parfois très mal et on ferme des boutiques SNCF. Le service de réclamations SNCF d'Arras est sans doute l'un des pires connus à ce jour et certains litiges ne peuvent être réglés que grâce à l'intervention des médias! La SNCF est un service anti-commercial, qui laisse de côté les "usagers captifs", c’est-à-dire ceux qui sont obligés de prendre le train.

Quelle est votre stratégie?

C’est une stratégie d’encerclement, par approches successives, en même temps qu’une stratégie indirecte. Nous voulons créer une pression politique des pouvoirs publics sur la direction de la SNCF. Les usagers sont excédés, ils attendent des réponses rapides et des moyens importants pour améliorer les conditions de transport de ces lignes devenues, pour certaines, au fil des ans, des "lignes poubelles" où toutes sortes de dysfonctionnements sont désormais monnaie courante. Nos revendications vont de demandes concrètes à l’ouverture de négociations visant à refaire de la SNCF un véritable service public. Nous souhaitons aussi faire des usagers un enjeu électoral et sommes prêts à interpeller les futurs candidats sur leur volonté de reconstruire le service public ferroviaire. Par exemple, nous avons annoncé notre intention de demander à Ségolène Royal de prendre le RER D afin de constater, sur le terrain, dans quelles conditions les usagers sont contraints de voyager sur cette ligne…