UFC Que Choisir Ile de La Réunion
Maison des Association - 14, rue du Moulin à Vent - BP 12 - 97400 Saint Denis
Président : Eric NICOLINI

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Alors que nous venons d’entrer dans le XXIème s., et que le monde entier nous parle de «développement durable» (depuis l’Onu aux différentes Collectivités locales, tout comme les entreprise et la société civile), sur notre petite île de La Réunion, nous assistons à une valse funeste des Cies aériennes! Air Bourbon vient de rendre l’âme (la personne morale, tout au moins) : après à peine après 19 mois d'activité, la compagnie au ‘paille-en-queue’ a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de St-Denis. Il est vrai que ce n’est pas la 1ère compagnie aérienne à déposer son bilan ici; mais espérons que ce sera la dernière. Car en matière de ‘continuité territoriale’, ce département de France au milieu de l’océan Indien est encore lié en pointillé…….. Faut-il envisager de revenir au voyage par bateau?!!
Alors que ‘la liberté de circulation’ fait partie des droits fondamentaux du citoyen Européen, cette fin brutale représente mal le ‘développement durable’ prôné par tous! Selon des journaux, cela «montre que si, effectivement, il est facile de créer une compagnie, la rendre pérenne l’est beaucoup moins»! Soyons sérieux ! L’UFC-Que Choisir et de nombreux consommateurs (dont les 350 adhérents du ‘Collectif des usagers d’Air Bourbon’ se demandent si on ne se paie pas leur tête?! Est-ce aussi simple d’ouvrir au pays des Droits de l'Homme une compagnie de transport aérienne que d’ouvrir un Bar-Tabac ou un Asterix land? Et qu’en est-il du droit du consommateur ? L’arbitrage entre ces deux forces antagonistes que sont le ‘consommateur’ et le ‘fournisseur de services’ est le fait du Gouvernement; il devrait réfléchir et surveiller plus sérieusement ceux qui auraient dans l’avenir la tentation de se lancer dans ce genre d’aventure.
Voici la chronologie de cette histoire :
La compagnie Air Bourbon créée en novembre 2002, fut la 1ère compagnie aérienne a capitaux privés entièrement Réunionnaises (capital de 1 526 534 euros auxquels s’ajoutaient environ 3 millions d’euros de compte courant), et qui a fait voler son premier Airbus A.340 le 7 juin 2003. Son dossier présenté devant le Conseil supérieur de l’aviation marchande, l’aviation civile accorda à Air Bourbon son certificat et sa lettre de transport qui donnent à la compagnie son existence officielle le 30 mai 2003.
En six mois d’activité, la société avait déjà perdu 1,7 million d’euros, et le 12 février 2004, le capital de la compagnie fut porté à 4,5 millions d’euros, avec l’arrivée de nouveaux actionnaires. L’annonce le 27 août 2004 à Pierrefonds (Sud de la Réunion) de la création d’Air Comores International, SARL de droit comorien née à Moroni, titulaire d'un certificat de transport comorien, est détenu à 40% par Air Bourbon, représenté son PDG Erick Lazarus et Frédéric Pralus, laisse présager d’une vraie réussite. Selon le protocole d'accord soumis aux éventuels investisseurs, son "expérience en matière de transport aérien permettant de faire bénéficier à la nouvelle société ACI entre autres d'exonérations partielles de cautions et de dépôts de garantie couverts par la société". Les premiers vols établis par l’établissement sous les couleurs d’Air Comores International prévus fin novembre doivent assurer les liaisons au départ de Pierrefonds, via Moroni, avec une desserte régulière dans toute la zone Sud de l'océan Indien. Pour la concurrence, cela «ne concernait que les porteurs du projet et les pouvoirs publics pour ce qui tient aux droits de trafic», indiquait Gérard Ethève, président du Directoire et Directeur général d’Air Austral !
Mais dès Septembre (donc à peine 3 jours après) les difficultés financières de la compagnie s’aggravent. Les dettes s’accumulent, le pétrole flambe, la société doit trouver des liquidités pour couvrir ses dépenses d’exploitation et des fonds pour financer sa croissance. Elle envisage une troisième augmentation de capital mais peine à trouver de nouvelles ressources.
Le 26 octobre, un conseil stratégique des actionnaires mandate Jacques Thibier pour essayer de trouver une voie pour assurer la pérennité de la compagnie. À partir du 9 novembre, Air Bourbon est contrainte de payer comptant chaque soir avant le décollage de l’avion les redevances aéroportuaires. La CCI lui refuse tout crédit. Elle lui donne jusqu’au 25 novembre pour apurer ses dettes qui s’élèvent à 146 000 euros. Le 25 novembre l’Airbus décolle vers Paris, peut-être pour son ultime vol pour Air Bourbon.
Le 29/11/2004, l’Expansion annoncait : «La compagnie réunionnaise a sans surprise fini par déposer son bilan lundi, achevée par l’envolée des cours du brut. Le transporteur, lancé il y a dix-huit mois, emploie 164 salariés, pour partie issus de feu Air Lib, Air Liberté et Air Littoral. Sa flotte se compose d’un seul et unique appareil, un Airbus A-340. L’an dernier, le déficit d’exploitation d’Air Bourbon se montait à 3 millions d’euros. Selon Erik Lazarus, le PDG, la société compte sur une recapitalisation rapide «d’investisseurs mauriciens», susceptibles d’apporter «38 millions» d’ici mercredi.» En effet, dans un 1er temps le tribunal de commerce de St-Denis avait accordé un délai à Air Bourbon pour présenter un plan de redressement sur 8 mois. Son Airbus A340 ne volait plus depuis le 26 novembre, et l'entreprise était en redressement judiciaire depuis le 3 décembre. Étaient nommés représentants des créanciers les mandataires Piec et Badat. Deux administrateurs judiciaires, l’un lyonnais, Michel Chavaux, l’autre parisien Picard étaient également désignés. La mission confiée à ces derniers par le tribunal de commerce était très claire : ils devaient remettre un rapport sur la situation réelle d’Air Bourbon. Moins d'une semaine après avoir été placée en redressement judiciaire pour une période de 8 mois, AB a été mise en liquidation judiciaire le 8 décembre 2004, avec un passif estimé fin 2004 à 70 millions d’euros ! On pouvait lire ailleurs qu’Air Bourbon avait accusé un passif de 7 millions d'euros (estimé au 31 décembre pour un chiffre d'affaire de 46 M EUR.) M. Lazarus avait expliqué ce déficit par la sous-capitalisation de sa société et la flambée des prix du pétrole. Dès le départ, Air Bourbon s’était envolée avec du plomb dans l’aile; elle n’est jamais parvenue à surmonter son handicap! Le Père Noël n’est donc pas passé….
Au total, un millier de passagers qui ont déjà commencé leur voyage sont bloqués en Métropole ou à La Réunion (un peu plus de 200 personnes devaient quitter l’île ce dimanche soir). D’ici à la fin de l’année, 24 000 personnes devaient voyager avec Air Bourbon.
Qu’en est-il pour ce qui concerne les passagers en souffrance, alors qu’ils avaient acheté leurs billets en toute confiance, grâce surtout à toute la publicité que les différents médias faisaient pour Air Bourbon qui semblait en plein développement et dont on vantait la bonne santé financière?! M. Lazarus avait indiqué que «tous les coupons vendus par Air Bourbon seraient honorés, même ceux prévus pour les vols annulés ces huit derniers jours». Ceux qui ont déjà réglé leur billet d’avion ne seront hélas pas remboursés, la compagnie Air Bourbon ayant déposé son bilan et déjà encaissé cet argent. Le remboursement des créanciers s’avère prioritaire à celui des billets d’avion. le conseil général ne pouvait apporter une aide financière à la compagnie aérienne privée car cette démarche ne relève pas des compétences de la collectivité. «On ne peut en outre débourser de l’argent public sur un dossier qui n’est pas argumenté» a-t-on dit au Conseil Général.
Le Syndicat National des Agences de Voyage a annoncé avoir engagé un référé devant le tribunal de Grande Instance de Paris afin d’obtenir la consignation des billets d’avion émis et pas encore utilisés. Les sommes ainsi débloquées pourrait éventuellement servir à rembourser par les agences de voyage, les billets émis avant le 30 novembre 2004 et non utilisés.
Les voyageurs abusés qui se sont réunis au sein d’un ‘Collectif’ ont déjà essayé vainement de manifester devant le Conseil Régional le 22 décembre, jour où le Ministre de la Cohésion Sociale était reçu par le Président M. Paul Vergès. Mais ils sont repartis après plusieurs heures d’attente et reçu par diverses personnes qui leur ont promis que leur demande serait adressée au seul Ministre habilité, celui des Transports, M. Gilles de Robien. Du côté des politiques, ils n’ont jusqu’à ce jour reçu que des accusés de réception par Paris, sans aucune autre information. Gilles de Robien, ministre français se dit favorable à un dispositif à l'échelle européenne, pour les passagers aériens en cas de faillite d'une compagnie, que le rapatriement des passagers vers la métropole soit pris en charge partiellement ou en totalité grâce aux 8 millions d’euros du fond de continuité territoriale (rapporte Radio Réunion). Mais la Présidence de la Région a déjà répondu que la dotation de continuité territoriale n’est pas mobilisable par la Région car les autorités communautaires européennes n’ont pas encore approuvé le dispositif.
Le Département a créé une cellule de crise pour aider les passagers d’Air Bourbon cloués au sol depuis samedi, après le dépôt de bilan de la compagnie. Cette cellule de crise permettra selon des critères sociaux le rapatriement d’urgence de certains passagers jeudi et vendredi. Le conseil général financera les 300 euros requis pour leur permettre de rentrer chez eux sur les deux vols affrétés par l’Etat, le conseil général, le conseil général et les trois autres compagnies aériennes desservant La Réunion. Néanmoins, cette mesure ne sera appliquée qu’après examen de chaque cas, note Nassimah Dindar, présidente du conseil général. Peu nombreux ont été les bénéficiaires !
Le Collectif s’est enfin tourné vers une association de consommateurs, UFC-Que Chosir La Réunion, demandant de les aider dans leurs démarches à accomplir pour être dédommagés des préjudices subis (du moins, le prix des billets d’avion, le reste s’évanouissant dans les pertes…).
l'Etat a l’obligation d’assurer son rôle dans le domaine de l'information du consommateur, mission d'intérêt général s'il en est, et facile à remplir dans le cadre des émissions de télévision nationale. Et la redevance TV, dites-vous?! Et que fait donc Gilles de Robien pour protéger les clients des compagnies aériennes ? Dans la suite logique de son «principe d’inaction», l’Etat vient de réduire sa participation dans le capital d'Air France, qui est passée de 44% à 18%, une nouvelle qui pourrait avoir une incidence supplémentaire sur les vols vers la Réunion. Mais si Air France se privatise, la question de la desserte de notre île par la compagnie, et en général par air, se pose. Après la fin prématurée des activités d'Air Bourbon, il est clair qu'il y aura moins d'avions sur cette ligne Réunion - Métropole. Philippe Calavia, directeur général délégué de la compagnie, a confié au quotidien la Tribune et rapporté par Radio Réunion, que "les pertes sur cette partie du réseau s'élève à plusieurs millions d'euros au 1er semestre, alors qu'il était rentable en 2003" alors que le taux d'occupation des siège est en augmentation avec 84,5%. Qu’en sera-t-il de 2005 ? Ce sont les passagers qui vont encore une fois de plus faire les frais d'une politique de rentabilité.
Ainsi, l’UFC-Que Choisir se voit associé à l’Association de Défense des Usagers des Transports et des Services Publics, Présidé par Jean Claude Delarue (actuellement sur notre île), afin de défendre ces consommateurs victimes en partie des services publics et totalement délaissés. Le consommateur a plus que jamais besoin d'être représenté fidèlement et fortement face aux groupes de pression bien organisés et pour assurer cette bonne représentation, le mouvement consommateur a besoin d'un centre de ressources, d'expertises et de compétences.
L’UFC propose de franchir une nouvelle étape : celle d'une mobilisation effective beaucoup plus large de la société. Elle montre, à partir de son activité, que cette mobilisation est possible, puisqu'elle a déjà commencé depuis sa jeune existence sur l’île. Elle estime qu'une nouvelle impulsion politique, relayée par la société toute entière, est désormais nécessaire pour garantir aux citoyens en manque de sentiment de citoyenneté une participation pleine et entière, de manière plus efficace et plus cohérente, pour défendre des droits inséparablements individuels et collectifs et les violations des droits fondamentaux.
Pourtant les services d'intérêt général se trouvent au cœur du débat politique : un vaste éventail d'activités, allant des grandes industries de réseau (énergie, services postaux, transport et télécommunications) à la santé, l'éducation et les services sociaux, font partie de ces services d'intérêt général, lesquels font partie des valeurs partagées par toutes les sociétés européennes et constituent un élément essentiel du modèle de société européen. Leur rôle est capital pour améliorer la qualité de vie de tous les citoyens et lutter contre l'exclusion sociale et l'isolement.
Ils touchent à la question centrale du rôle joué par les autorités publiques dans une économie de marché, à savoir, d'une part, veiller au bon fonctionnement du marché et au respect des règles du jeu par tous les acteurs, et d'autre part, garantir l'intérêt général, notamment la satisfaction des besoins essentiels des citoyens et la préservation des biens publics lorsque le marché n'y parvient pas. Renforcer ou compléter la desserte de la Réunion implique un réel engagement de l’Etat !
L'article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne selon lequel, l'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union. La Communauté européenne a toujours promu une libéralisation «contrôlée», accompagnée de mesures protégeant l'intérêt général, notamment via la notion de service universel, en vue de garantir l'accès pour tous, indépendamment de la situation économique, sociale ou géographique, à un service de qualité déterminé à un prix abordable. la bonne gouvernance en matière d'organisation, de réglementation, de financement et d'évaluation des services d'intérêt général afin d'améliorer la compétitivité de l'économie et garantir un accès effectif, équitable et de qualité aux services.
La politique commune des transports vise à réduire les déséquilibres régionaux en améliorant l'accès aux régions insulaires et périphériques. Elle facilite également la libre circulation des biens et des personnes (travailleurs, étudiants...) dans le marché intérieur. Mis en place en 1993 Le marché commun des transports permet aux entreprises de transports d'offrir leurs services dans tous les pays membres de l'Union européenne, accompagné de la mise en œuvre de la législation communautaire en matière de concurrence et aides d’Etat. Ces liaisons sont considérées comme vitales pour le développement économique de la région dans laquelle est situé l'aéroport, dans la mesure nécessaire pour assurer sur cette liaison une prestation de service adéquate répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur satisferait.
Nous avons de la chance d’avoir actuellement 3 députés de la Réunion siégeant au Parlement européen. A eux d’assurer la protection des droits des citoyens européens de notre île! Dans le cadre du ‘DROIT À LA REPARATION ET RÉSOLUTION DE LITIGES’ L'Union européenne a établi un cadre financier de 72 millions d'euros à l'appui de la politique des consommateurs pendant les années 2004 à 2007. Ce cadre financera 19 actions qui portent sur: la protection de la sécurité des consommateurs (services et produits non alimentaires), la protection des intérêts économiques et juridiques des consommateurs, la promotion des activités d'information et éducation et la promotion des organisations de consommateurs. Donc, nos députés n’ont plus qu’à présenter les doléances des milliers de passager abusés d’Air Bourbon (qui a démarré avec l’approbation officielle des différents organismes nationaux et internationaux, y compris IATA) ! Une décision préjudicielle, vu l’absence des bases solides nécessaires à ce genre d’entreprise (vu à postériori et avec les données à notre disposition à ce jour)!
Affaire à suivre ! …….


Myriam MONZAVI, membre du Bureau d’UFC-Que Choisir La Réunion
St-Pierre, le 19 janvier 2005