dimanche 7 février 2010
Article du journal La Dépêche (06/02/10)
Par futsp, dimanche 7 février 2010 à 10:00 :: Médias
Un recours contre la SNCF ?
TER. Trop de pannes sur les trains régionaux, trop d'immobilisations d'autorails. Pour la Région, l'entreprise ne respecte pas ses engagements.
Trop c'est trop. À l'image d'autres régions qui pestent après la SNCF pour non-respect de ses engagements, Midi-Pyrénées menace de porter plainte contre l'exploitant. Jeudi, le président du conseil régional Martin Malvy, a indiqué qu'il était prêt à déposer un recours pour « ne pas avoir mis en œuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la convention signée entre elle et la Région ».
Que reproche Martin Malvy à l'établissement public ? De ne pas avoir amélioré le fonctionnement des TER dans les pourcentages de réalisation qu'elle s'était fixés. « Trop d'immobilisation longue d'autorails pour réparation alors que la SNCF devait disposer des pièces de rechange nécessaires, trop de remplacement de trains par des cars, trop de trains en panne. En décembre, il y a eu deux fois plus de trains annulés qu'en 2008 sur le même mois ».
Ce n'est pas la première fois que la Région alerte la SNCF tenue de respecter les termes du contrat sous peine de pénalités. Celles-ci se sont déjà élevées à 2M€ en 2008-2009. Midi-Pyrénées, n'est pas la seule collectivité à souffrir de cette situation. Voilà deux ans, la région PACA a doublé le montant des pénalités contre la SNCF pour non-respect du contrat d'exploitations de ses trains.
À l'heure où de nombreux TER peu fréquentés menacent d'être remplacés par des bus, pour des raisons économiques et parce que leur bilan carbone est mauvais, le mode de transport régional trouve en Midi-Pyrénées un vrai engouement. Avec le nombre de ses dessertes, son cadencement, sa tarification et ses conditions d'abonnements, le TER reste le moyen de locomotion efficace face à la route. Sauf que la SNCF, exploitante du réseau et gestionnaire des rames, n'est pas en mesure de remplir ses obligations : manque d'effectifs, maintenance du matériel défectueuse...
De leur côté, l'État et Réseau Ferré de France doivent assumer leur responsabilité quant à l'entretien et de modernisation de réseau. Au final, la Région confrontée à une gestion des transports TER structurellement déficitaire, a dû investir dans un plan ambitieux. Un emprunt de 400 M€ a été mobilisé, soit la moitié de son budget annuel. C'est sans équivalent en France.
L'avis des usagers
« Ça s'est dégradé depuis 3 ou 4 ans »
Hervé, 36 ans, demeurant à Saint-Gaudens est un usager des TER fidèle. Depuis près de quinze ans, il emprunte quotidiennement la ligne Tarbes-Montréjeau-Toulouse, matin et soir. Hier, sur le quai de la gare de Saint-Cyprien/Les Arènes (Toulouse) en attendant son train de 16h21, il rumine les imperfections du trafic ferroviaire, entre retards répétés et suppressions de trains. L'usager avoue son incompréhension devant un manque flagrant d'informations de la part de la SNCF envers ses clients les plus réguliers.
« QUAND IL NEIGE, C'EST PIRE »
« Ce qu'on constate, dit-il, c'est un manque d'effectifs. Ils ont refait la ligne Toulouse-Tarbes-Pau, mais il manque toujours quelque chose. ça s'est dégradé depuis 3 ou 4 ans, alors qu'il y a toujours plus de gens qui prennent le train, maintenant c'est de la folie. En gare de Montréjeau (Haute-Garonne), on voit parfois entre 400 et 500 personnes qui montent dans le TER tous les jours ». Le pire, selon Hervé, « c'est quand il y a la neige ». « C'est incompréhensible, ajoute l'usager. Pendant trois semaines, on nous disait que les machines étaient endommagées, les trains ne circulaient plus. S'ils avaient des hangars bien fermés, ça n'arriverait pas. Pour les gens qui travaillent, c'est un vrai problème. Certains employeurs sont compréhensifs, d'autres pas du tout ». Plus loin, une dame accélère le pas pour prendre une navette. Elle confie prendre le TER qui relie Auch à 7 h 14 et constate aussi « qu'il y a souvent des retards, alors que les navettes sont ponctuelles ».
Les usagers, depuis dix ans, sont pour autant organisés. L'association des usagers pour la promotion et le développement du rail en Midi-Pyrénées, présidée par Martine Loiseau, n'a de cesse de défendre la survie des dessertes de l'Aveyron, du Lot, Tarn et Tarn-et-Garonne et de « dire non à la fracture ferroviaire ».
Pointé par la chambre régionale des comptes
Entre 2002 et 2007, le contribuable de Midi-Pyrénées a quasiment payé 1 € de plus le prix du kilomètre-train, selon les calculs de la chambre régionale des comptes (CRC) Midi-Pyrénées qui a présenté hier son enquête sur les transports régionaux de voyageurs au cours de son audience solennelle. « Le coût d'exploitation du service du TER pour la région s'est renchéri avec un prix de 7,52 € par km/train en 2007 contre 6,76 € en 2002 » relève la CRC dans son rapport d'activité.
« Les causes de cette hausse de la dépense sont à rechercher d'une part dans l'état très dégradé du réseau, qui conduit ainsi la région et l'Etat à investir 820 millions d'euros dans un plan rail dont 500 millions à la charge de la région, et du matériel roulant dont l'âge moyen, supérieur à 20 ans, dissimule des disparités ; mais également dans le choix de la région d'offrir davantage de dessertes et de trains, quelle qu'en soit la rentabilité. »
Les magistrats de la CRC considèrent que « la croissance de l'offre est allée de pair avec une hausse de la dépense budgétaire », déjà amorcée avec la décentralisation du TER.
Si le conseil régional et l'Etat ont dû mettre souvent la main au portefeuille, la SNCF en revanche s'en sort indemne puisqu'elle « a conservé l'équilibre grâce aux contributions publiques de la région et de l'Etat. Ce mécanisme de retour systématique à l'équilibre n'encourage pas l'exploitant à rechercher des gains de productivité et à mettre en place une politique commerciale attractive ».
La chambre régionale des comptes reproche enfin à la SNCF de ne disposer d'aucun outil « lui permettant de mesurer la rentabilité par ligne ou par tronçon » et d'entretenir « une certaine opacité dans ses relations financières avec la région ».
Les Points Noirs
l La régularité. Un taux de régularité de 87 % seulement en Midi-Pyrénées (94% au national).
l L'infrastructure. Certaines lignes sont en limite d'exigences de sécurité. Cette année, s'achèveront les travaux de réfection de voies sur Castres-Mazamet (21 km), Teyssonières-Capdenac (95 km), Capdenac-Rodez (65 km) et Brive-Capdenac (51 km).
l Le matériel. Au problème de maintenance, s'ajoute le manque d'effectif. Quand un conducteur ou un contrôleur manque sur un train, il n'y a personne pour le remplacer.
Interview
«ça devient insupportable»
L'efficacité des services TER s'est-elle lentement érodée, tendance qui efface les efforts des régions pour développer les dessertes ?
Il y a eu des périodes meilleures que d'autres. La situation était devenue normale. Elle s'est dégradée en fin d'année et en janvier. Il faut bien comprendre que nous avons entrepris de notre côté un effort considérable. Il y a cent mille trains régionaux qui circulent chaque année. Nous avons 356 dessertes différentes et avons créé 1 460 arrêts supplémentaires par jour. Sans oublier que nous avons acheté soixante-dix autorails. La SNCF s'est engagée contractuellement à répondre à ses obligations. Si elle ne le fait pas, elle doit payer des pénalités. Mais ce n'est pas la solution.
Auprès de quelle juridiction déposerez-vous votre recours, tribunal administratif, juridiction civile ?
C'est le tribunal administratif, seul compétent pour vérifier si la SNCF remplit sa mission. Nous sommes las d'avoir à adresser sans cesse des courriers, de multiplier nos démarches. ça devient insupportable.
Iriez-vous jusqu'à suspendre le versement à la SNCF de votre contribution au financement des TER, comme l'envisageait la région Basse-Normandie ?
Nous verrons. Pour l'heure, nous avons saisi un avocat. La question, je le rappelle est bien de savoir si la SNCF se donne les moyens de répondre à la convention pour laquelle elle s'est engagée.
TER. Trop de pannes sur les trains régionaux, trop d'immobilisations d'autorails. Pour la Région, l'entreprise ne respecte pas ses engagements.
Trop c'est trop. À l'image d'autres régions qui pestent après la SNCF pour non-respect de ses engagements, Midi-Pyrénées menace de porter plainte contre l'exploitant. Jeudi, le président du conseil régional Martin Malvy, a indiqué qu'il était prêt à déposer un recours pour « ne pas avoir mis en œuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la convention signée entre elle et la Région ».
Que reproche Martin Malvy à l'établissement public ? De ne pas avoir amélioré le fonctionnement des TER dans les pourcentages de réalisation qu'elle s'était fixés. « Trop d'immobilisation longue d'autorails pour réparation alors que la SNCF devait disposer des pièces de rechange nécessaires, trop de remplacement de trains par des cars, trop de trains en panne. En décembre, il y a eu deux fois plus de trains annulés qu'en 2008 sur le même mois ».
Ce n'est pas la première fois que la Région alerte la SNCF tenue de respecter les termes du contrat sous peine de pénalités. Celles-ci se sont déjà élevées à 2M€ en 2008-2009. Midi-Pyrénées, n'est pas la seule collectivité à souffrir de cette situation. Voilà deux ans, la région PACA a doublé le montant des pénalités contre la SNCF pour non-respect du contrat d'exploitations de ses trains.
À l'heure où de nombreux TER peu fréquentés menacent d'être remplacés par des bus, pour des raisons économiques et parce que leur bilan carbone est mauvais, le mode de transport régional trouve en Midi-Pyrénées un vrai engouement. Avec le nombre de ses dessertes, son cadencement, sa tarification et ses conditions d'abonnements, le TER reste le moyen de locomotion efficace face à la route. Sauf que la SNCF, exploitante du réseau et gestionnaire des rames, n'est pas en mesure de remplir ses obligations : manque d'effectifs, maintenance du matériel défectueuse...
De leur côté, l'État et Réseau Ferré de France doivent assumer leur responsabilité quant à l'entretien et de modernisation de réseau. Au final, la Région confrontée à une gestion des transports TER structurellement déficitaire, a dû investir dans un plan ambitieux. Un emprunt de 400 M€ a été mobilisé, soit la moitié de son budget annuel. C'est sans équivalent en France.
L'avis des usagers
« Ça s'est dégradé depuis 3 ou 4 ans »
Hervé, 36 ans, demeurant à Saint-Gaudens est un usager des TER fidèle. Depuis près de quinze ans, il emprunte quotidiennement la ligne Tarbes-Montréjeau-Toulouse, matin et soir. Hier, sur le quai de la gare de Saint-Cyprien/Les Arènes (Toulouse) en attendant son train de 16h21, il rumine les imperfections du trafic ferroviaire, entre retards répétés et suppressions de trains. L'usager avoue son incompréhension devant un manque flagrant d'informations de la part de la SNCF envers ses clients les plus réguliers.
« QUAND IL NEIGE, C'EST PIRE »
« Ce qu'on constate, dit-il, c'est un manque d'effectifs. Ils ont refait la ligne Toulouse-Tarbes-Pau, mais il manque toujours quelque chose. ça s'est dégradé depuis 3 ou 4 ans, alors qu'il y a toujours plus de gens qui prennent le train, maintenant c'est de la folie. En gare de Montréjeau (Haute-Garonne), on voit parfois entre 400 et 500 personnes qui montent dans le TER tous les jours ». Le pire, selon Hervé, « c'est quand il y a la neige ». « C'est incompréhensible, ajoute l'usager. Pendant trois semaines, on nous disait que les machines étaient endommagées, les trains ne circulaient plus. S'ils avaient des hangars bien fermés, ça n'arriverait pas. Pour les gens qui travaillent, c'est un vrai problème. Certains employeurs sont compréhensifs, d'autres pas du tout ». Plus loin, une dame accélère le pas pour prendre une navette. Elle confie prendre le TER qui relie Auch à 7 h 14 et constate aussi « qu'il y a souvent des retards, alors que les navettes sont ponctuelles ».
Les usagers, depuis dix ans, sont pour autant organisés. L'association des usagers pour la promotion et le développement du rail en Midi-Pyrénées, présidée par Martine Loiseau, n'a de cesse de défendre la survie des dessertes de l'Aveyron, du Lot, Tarn et Tarn-et-Garonne et de « dire non à la fracture ferroviaire ».
Pointé par la chambre régionale des comptes
Entre 2002 et 2007, le contribuable de Midi-Pyrénées a quasiment payé 1 € de plus le prix du kilomètre-train, selon les calculs de la chambre régionale des comptes (CRC) Midi-Pyrénées qui a présenté hier son enquête sur les transports régionaux de voyageurs au cours de son audience solennelle. « Le coût d'exploitation du service du TER pour la région s'est renchéri avec un prix de 7,52 € par km/train en 2007 contre 6,76 € en 2002 » relève la CRC dans son rapport d'activité.
« Les causes de cette hausse de la dépense sont à rechercher d'une part dans l'état très dégradé du réseau, qui conduit ainsi la région et l'Etat à investir 820 millions d'euros dans un plan rail dont 500 millions à la charge de la région, et du matériel roulant dont l'âge moyen, supérieur à 20 ans, dissimule des disparités ; mais également dans le choix de la région d'offrir davantage de dessertes et de trains, quelle qu'en soit la rentabilité. »
Les magistrats de la CRC considèrent que « la croissance de l'offre est allée de pair avec une hausse de la dépense budgétaire », déjà amorcée avec la décentralisation du TER.
Si le conseil régional et l'Etat ont dû mettre souvent la main au portefeuille, la SNCF en revanche s'en sort indemne puisqu'elle « a conservé l'équilibre grâce aux contributions publiques de la région et de l'Etat. Ce mécanisme de retour systématique à l'équilibre n'encourage pas l'exploitant à rechercher des gains de productivité et à mettre en place une politique commerciale attractive ».
La chambre régionale des comptes reproche enfin à la SNCF de ne disposer d'aucun outil « lui permettant de mesurer la rentabilité par ligne ou par tronçon » et d'entretenir « une certaine opacité dans ses relations financières avec la région ».
Les Points Noirs
l La régularité. Un taux de régularité de 87 % seulement en Midi-Pyrénées (94% au national).
l L'infrastructure. Certaines lignes sont en limite d'exigences de sécurité. Cette année, s'achèveront les travaux de réfection de voies sur Castres-Mazamet (21 km), Teyssonières-Capdenac (95 km), Capdenac-Rodez (65 km) et Brive-Capdenac (51 km).
l Le matériel. Au problème de maintenance, s'ajoute le manque d'effectif. Quand un conducteur ou un contrôleur manque sur un train, il n'y a personne pour le remplacer.
Interview
«ça devient insupportable»
L'efficacité des services TER s'est-elle lentement érodée, tendance qui efface les efforts des régions pour développer les dessertes ?
Il y a eu des périodes meilleures que d'autres. La situation était devenue normale. Elle s'est dégradée en fin d'année et en janvier. Il faut bien comprendre que nous avons entrepris de notre côté un effort considérable. Il y a cent mille trains régionaux qui circulent chaque année. Nous avons 356 dessertes différentes et avons créé 1 460 arrêts supplémentaires par jour. Sans oublier que nous avons acheté soixante-dix autorails. La SNCF s'est engagée contractuellement à répondre à ses obligations. Si elle ne le fait pas, elle doit payer des pénalités. Mais ce n'est pas la solution.
Auprès de quelle juridiction déposerez-vous votre recours, tribunal administratif, juridiction civile ?
C'est le tribunal administratif, seul compétent pour vérifier si la SNCF remplit sa mission. Nous sommes las d'avoir à adresser sans cesse des courriers, de multiplier nos démarches. ça devient insupportable.
Iriez-vous jusqu'à suspendre le versement à la SNCF de votre contribution au financement des TER, comme l'envisageait la région Basse-Normandie ?
Nous verrons. Pour l'heure, nous avons saisi un avocat. La question, je le rappelle est bien de savoir si la SNCF se donne les moyens de répondre à la convention pour laquelle elle s'est engagée.